La précarité menstruelle occupe une place grandissante dans le débat public. Pour autant, savez-vous ce dont il s’agit vraiment ? Connaissez-vous l’ampleur du phénomène ? Fidèle à son souhait de lever le tabou des règles, l’équipe Marguerite & Cie vous livre les informations clés sur ce fléau qui empêche bon nombre de personnes de vivre leurs règles dans des conditions décentes.

Qu’est-ce que la précarité menstruelle exactement ?
Selon le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), la précarité menstruelle désigne « les difficultés de nombreuses femmes et filles à se payer des protections hygiéniques à cause de leurs faibles revenus. Le terme recouvre également la vulnérabilité économique accrue dont souffrent les femmes et les filles à cause du poids financier des protections hygiéniques dans leur budget ».
Autrement dit, la précarité menstruelle est une forme de précarité qui pèse spécifiquement sur les femmes. Elle place les personnes qui en sont victimes dans des situations extrêmement difficiles à vivre et inacceptables socialement.
Certaines renoncent ainsi purement et simplement à utiliser des tampons et des serviettes périodiques parce qu’elles sont dans l’incapacité financière d’assumer un tel coût. Dans ce cas, elles se tournent vers des solutions de fortune (papier toilette, tissus…), éventuellement en fabriquant elles-mêmes des «protections maison ». D’autres parviennent en revanche à se procurer des produits menstruels, mais en quantité insuffisante ou au détriment d’autres achats essentiels, comme la nourriture.
La précarité menstruelle pose des problèmes de santé menstruelle
Sans surprise, la précarité menstruelle a des conséquences néfastes sur la santé menstruelle. En effet, la vulve et le vagin sont particulièrement sensibles, ce qui nécessite d’utiliser des produits adaptés à un contact prolongé avec ces zones. Ce n’est évidemment pas le cas du papier toilette et des protections « fabriquées maison », ces solutions de fortune engendrant des démangeaisons ou des irritations.
Par ailleurs, les personnes disposant de protections périodiques en quantité insuffisante auront tendance à les porter trop longtemps. Or, garder une serviette périodique au-delà de la durée de port recommandé augmente les risques d’allergie. Quant aux tampons, les conséquences peuvent être encore plus graves : lorsqu’on porte un tampon au-delà de la durée recommandée par le fabricant, on augmente considérablement le risque de faire un syndrome du choc toxique (SCT), une maladie infectieuse rare mais potentiellement mortelle.
Les conséquences sociales de la précarité menstruelle
Au-delà des problèmes de santé « physique » à proprement parler, la précarité menstruelle est aussi susceptible d’affecter la santé psychologique et de conduire à un isolement social. Faute de pouvoir vivre leurs règles dignement, de nombreuses personnes concernées par la précarité menstruelle renoncent à leurs activités sociales habituelles plusieurs jours par mois. Elles préfèrent ainsi rester chez elles plutôt que d’être confrontées à des émotions négatives difficiles à vivre dans l’espace public (crainte de la tache et du regard des autres, perte d’estime de soi, sentiment d’injustice etc.).
Cet isolement s’avère particulièrement préoccupant chez les jeunes, puisque la précarité menstruelle constitue aujourd’hui une cause importante d’absentéisme scolaire. En 2021, le gouvernement a ainsi révélé dans un communiqué de presse que 130 000 jeunes filles manquaient régulièrement les cours, par manque de protections périodiques en quantité suffisante. De façon évidente, la précarité menstruelle porte atteinte non seulement à la dignité, mais aussi à l’égalité des chances.
Où en est-on de la lutte contre la précarité menstruelle ?
Si on entend aujourd’hui beaucoup parler de précarité menstruelle, la prise de conscience autour de l’existence et des conséquences de ce fléau reste relativement récente. On la doit principalement au secteur associatif, avec entre autres l’action du collectif Georgette Sand pour mettre fin à la « taxe tampon » en 2015, ou encore celle de Dons Solidaires, qui a lancé en 2019 un des premiers sondages sur le sujet, dans l’optique de « faire émerger une problématique peu prise en compte par l’opinion publique ». Il faut noter également l’existence d’actions au niveau international, telle la célébration depuis 2014 d’une journée mondiale de l’hygiène menstruelle, dont l’un des objectifs consiste à faire en sorte que tout le monde puisse accéder à des protections périodiques.
Du côté des initiatives parlementaires, on note le dépôt de la proposition de loi d’Albane Gaillot en mars 2022, puis, plus récemment, celui d’une proposition de loi visant à mieux lutter contre la précarité menstruelle le 25 avril 2023. Ce dernier texte prévoit la distribution gratuite des protections menstruelles dans les pharmacies, ainsi que le principe de la mise à disposition gratuite dans les établissements d’enseignement secondaire et supérieur.
Le gouvernement a quant à lui annoncé le remboursement des protections périodiques réutilisables (coupes menstruelles, culottes et serviettes lavables) pour les jeunes jusqu’à 25 ans à compter de 2024. Mais est-ce suffisant ? La réponse est non ! Comme cela a été dénoncé dans une tribune publiée dans l’Humanité et cosignée par notre fondatrice Gaële Le Noane, les règles et la précarité menstruelle ne s’arrêtent pas à l’âge de 25 ans et les protections périodiques réutilisables ne conviennent pas à tout le monde, notamment aux personnes qui vivent dans la rue. Les mesures envisagées apparaissent ainsi très en-deçà des besoins.
La précarité menstruelle est un fléau grandissant
Si les annonces faites sont insuffisantes, c’est en partie parce que la précarité menstruelle explose depuis ces dernières années, comme le démontre le dernier baromètre de Règles élémentaires (sondage Opinion Way pour Règles élémentaires, réalisé auprès de 1022 personnes menstruées de 18 à 50 ans).
Voici les informations marquantes à retenir.
Les chiffres de la précarité menstruelle s’emballent
En 2019, la précarité menstruelle concernait déjà 1,7 million de personnes en France. Le chiffre a été porté à 2 millions en 2021. En 2023, on estime que près de 4 millions de personnes manquent de protections périodiques. La situation est donc alarmante : la population concernée a quasiment doublé en deux ans (+ 1,8 million entre 2021 et 2023), 47% des personnes touchées déclarant que la précarité menstruelle est un phénomène récent pour elles.
La situation pourrait s’aggraver
86% des personnes se disant concernées par la précarité menstruelle pensent que leur situation ne va pas s’améliorer, en raison principalement de l’inflation. 14% des personnes qui ne sont pas concernées estiment en outre qu’elles pourraient basculer dans la précarité menstruelle dans l’année à venir.
Toutes les générations sont concernées par la précarité menstruelle
Comme indiqué précédemment, la précarité menstruelle ne concerne pas que les plus jeunes : 31% des personnes menstruées de 18 à 50 ans ont des difficultés financières pour disposer de suffisamment de protections périodiques pendant leurs règles. La population jeune reste toutefois très touchée : chez les 18-24 ans, près d’une personne sur deux est en situation de précarité menstruelle. Dans cette tranche d’âge, 30% déclarent avoir déjà dû se passer d’un autre bien essentiel pour pouvoir acheter des produits menstruels.
Installons des distributeurs de protections périodiques gratuites partout !
Cette situation vous révolte ? Nous aussi ! Il est plus que temps d’en finir avec le tabou des règles et de trouver collectivement des solutions à toutes ces difficultés, comme l’a fait l’Ecosse, qui est le premier pays au monde à avoir pris la décision révolutionnaire de rendre les serviettes et les tampons gratuits.
Pour lutter contre la précarité menstruelle et plus largement contre toutes les inégalités générées par les règles, nous pensons, à l’instar du parlement écossais, qu’une des solutions se trouve effectivement dans la mise à disposition gratuite de protections périodiques en tous lieux.
De nombreuses structures ont déjà sauté le pas en équipant leurs locaux de notre distributeur CLR, qu’il s’agisse de collèges, de lycées, d’universités ou encore de communes. En permettant à de nombreuses personnes d’accéder gratuitement à des tampons et serviettes dans différents lieux (à l’école, dans les points jeunes, au sein des équipements sportifs, dans les lieux culturels etc.), cette solution facile à mettre en place contribue efficacement à la lutte contre la précarité menstruelle.
Cerise sur le gâteau, la démocratisation de l’accès à des produits menstruels sans plastique issu de la pétrochimie ni autres substances néfastes améliore la prise en compte de la santé menstruelle et de l’environnement, dans un secteur dans lequel sévit encore le greenwashing.
Unissons nos voix pour mettre fin à la précarité menstruelle. Partagez cet article pour éduquer, informer et inspirer le changement.